Pour nourrir nos animaux et faire de la farine, nous cultivons nos céréales sur des parcelles autour de la ferme, ainsi que la vigne. Nous employons des méthodes respectueuses de l’environnement, mais qu’est-ce que cela veut vraiment dire?

Bonjour à tous!

Nous allons vous expliquer les choix et orientations que nous avons pris pour en arriver là où nous sommes. Nous parlerons également des évolutions souhaitées. Mais avant tout, ces textes sont comme des retours d’expérience et des points de vue personnels. Je ne prétends pas que les méthodes ou choix dont vous allez prendre connaissance sont les mieux. Non ils sont simplement les nôtres. Ni mieux, ni moins bien mais plutôt différents des autres fermes.

Mon manque de recul en tant que jeune agriculteur en pleine expérimentation me conduit à faire évoluer ce projet et à construire mon rêve de façon empirique. Cela peut donner lieu à des erreurs et à vous proposer certains produits (fromage et pain) qui doivent faire l’objet d’améliorations. Chaque jour, j’apprends de ce que la nature me renvoie pour réajuster ma façon de travailler et vous proposer des produits de meilleure qualité. Je remercie toutes celles et ceux qui soutiennent la Ferme du Pas et la démarche basée sur l’expérimentation ainsi que sur notre capacité à progresser.

Nous enchainerons par notre premier chapitre, qui est la base de tout : Le sol !

Le sol est notre allié numéro 1 : il constitue notre plus bel atout à condition de savoir en prendre soin. Je vous propose ici de nous intéresser à son fonctionnement et aux moyens d’assurer sa préservation.

Le sol, notre patrimoine, est le fruit d’une accumulation de débris organiques minéralisés par de multiples organismes. Ces insectes, bactéries, et autres champignons organisent leur milieu de vie en strates ordonnées selon différents niveaux. Le sol dépend des plantes mais celles-ci dépendent aussi du sol et de ses habitants. Il est nécessaire de conserver cet écosystème en équilibre or l’agriculture céréalière peine à combiner préservation et production. Toute action mécanique en contraignante en différents points :

  • Le passage d’un tracteur tasse le sol. Moins aéré, celui-ci est limité dans sa capacité à diffuser les gaz et permettre la circulation de l’eau. Ainsi, la vie qu’il abrite est fragilisée et certaines racines peuvent être asphyxiées par un manque de perméabilité. Le compactage favorise donc le ruissellement et augmente la sensibilité des surfaces à l’érosion.

Lorsqu’il pleut beaucoup sur des sols bétonnées, tassés ou déstructurés, l’eau chargée de substances (boue, carburant, huile) se dirige dans les fossés et les cours d’eau sans filtration. A contrario, l’eau pénétrant dans le sol est épurée par les différentes strates et se charge en minéraux. Les galeries de taupes et de vers de terre, les racines sont autant d’interstices par lesquels elle peut s’écouler et remplir les espaces vides. Ainsi stockée, elle permettra aux plantes de puiser ce dont elles ont besoin pour grandir et s’épanouir.

  • Le passage d’une charrue déstructure le sol sur les 30 premiers centimètres or plusieurs décennies sont nécessaires pour créer un centimètre d’épaisseur. Le sol a donc besoin de temps pour se structurer or un labour va tout chambouler en quelques instants.

Le sol constitue le plus grand réservoir de carbone, loin devant l’atmosphère et les plantes. Ce stockage s’effectue sur les 30 premiers centimètres de terre, à raison de 80 tonnes/hectare. Quel est donc le procédé ? Les décomposeurs (champignons et bactéries du sol) utilisent l’azote mis à disposition par les végétaux pour dégrader le carbone contenu dans la matière organique. Ainsi, celui-ci est mis en réserve dans le sol. Pour indication, une unité d’azote permet de digérer 25 unités de carbone. Le fonctionnement de ce système repose sur un rapport correct azote/carbone. De plus, toute action mécanique doit être évitée car un terrain fragmenté libère du carbone par évaporation sous forme de CO2 s’accumulant dans l’atmosphère. Ainsi, l’agriculture et la seconde source de gaz à effet de serre. En outre, les espaces mis à nu par l’exportation de pailles et autres résidus de culture normalement digérés par le sol amplifient les fuites de carbone. L’azote, quant à lui, se nitrifie, rompant ainsi l’équilibre des décomposeurs.

Dès lors, comment préserver le sol ? En stoppant l’utilisation de tracteurs ? Impossible étant donné la superficie de notre terrain (150 ha) ! Une autre perspective s’offre à nous : structurer les terres grâce aux plantes. En effet, qu’elles soient artificiellement implantées ou naturellement présentes, elles peuvent réellement être très bénéfiques pour le milieu.

Mais alors, quelles plantes utiliser et comment ? C’est ce que nous verrons au prochain épisode !

L’utilisation des plantes comme solution pour la préservation des sols, comment ça marche?

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les plantes constituent notre deuxième allié. Considérées comme des ennemis car en concurrence avec les plantes que l’on veut récolter, elles peuvent réellement devenir intéressantes si on fait évoluer les stratégies conventionnelles.

Comment est-ce possible ? Le feuillage des plantes protège le sol de la pluie et du soleil. Les racines, quant à elles, le décompactent en perforant sa surface et retiennent la terre arable* lors d’intempéries. De plus, toute une population souterraine (insectes, vers, micro-organismes) se nourrit et se multiplie grâce à la matière végétale issue de leur décomposition. Ainsi, le taux de matière organique augmente et le nombre de galeries aussi par conséquence nous gagnons en porosité et donc en capacité de rétention (d’eau et d’éléments nutritifs).

La diversification des plantes a plusieurs avantages. Concernant les racines, les grands pivots** d’une luzerne vont ameublir le terrain en profondeur. Leur association avec de gros radis ou de larges navettes qui éclatent le sol à la surface permet une aération complète de ce dernier à plusieurs niveaux. Des variétés mellifères*** peuvent également être cultivées ; elles sont nécessaires aux abeilles et autres insectes pollinisateurs. Enfin, il est intéressant d’ajouter des plantes fixatrices d’azote telles que les légumineuses pour fertiliser naturellement nos cultures. Je vous présenterai plus précisément les choix que nous avons fait à la ferme dans notre prochain chapitre.

Nous constatons donc que cette approche naturelle est similaire à une stratégie purement mécanique et pétrochimique. En effet, l’action des racines se substituent aux machines qui travaillent le sol et le recours à l’azote chimique ou organique peut être amoindri voir stoppé grâce à la libération de l’azote capté et stocké dans les nodosités**** des légumineuses. Ce processus permet à l’homme de faire des économies d’énergie tout en contribuant à préserver la chaîne du vivant d’une manière plus globale (la vie du sol et des plantes favorise celle des petits animaux et insectes qui nourrissent les oiseaux eux-mêmes mangés par les renards, etc.).

La plantation de haies, l’agroforesterie ou la création de petites marres isolées sont autant de moyens d’approfondir cette démarche. Dans un prochain chapitre, je vous présenterai les essais – fructueux ou non- que nous avons menés à la ferme depuis notre installation.

*arable : labourable et donc cultivable.

**grand pivot : racine principale d’une plante qui perfore et décompacte le sol en profondeur.

***variété mellifère : plante dont le nectar peut être transformé en miel par des insectes tels que les abeilles.

****nodosité : petite boursouflure circulaire située au niveau des racines d’une légumineuse qui relargue l’azote captée par la plante.